AG
Pentecôte 2024 Moulins – Compte-rendu touristique
Vue
de la rive gauche de l’Allier, Moulins inscrit sa skyline
(modeste, hérissée de seulement quelques clochers)
sur un ciel nuageux. Pas de nuages par contre sur les
retrouvailles à l’hôtel : tous sont contents de
se revoir, avant de partir, en franchissant la rivière,
pour visiter le centre national du costume de scène,
consacré au patrimoine matériel du spectacle vivant,
installé au quartier Villars. Las, nous pouvons aller nous
rhabiller, car nous ne verrons pas les 10 000 costumes entreposés
en ce lieu, devant nous contenter d’une exposition consacrée
à Rudolf Noureev, qui aimait à se travestir ! Nos
G.O (gentils organisateurs) en sont bien marris et mortifiés,
pestant contre une communication dépourvue de fiabilité,
venant s’ajouter à l’organisation …
compliquée de l’AG. Mais leurs efforts ont été
couronnés de succès, comme en témoigneront
les lignes qui suivent. Il ne reste plus qu’à
regagner l’hôtel pour entrer dans le dur, l’assemblée
générale au cours de laquelle, une fois évoqués
la mémoire d’un des membres fondateurs et le regret
des absents de ne pouvoir être des nôtres, le point
est fait sur les effectifs (soumis à l’érosion
du temps, comme le trait de côte), sur les finances
(saines), la perspective de nouveaux voyages. Puis nous passons au
renouvellement des membres du comité, désormais
ouvert aux sympathisants. La joute électorale est
consensuelle et, alors que les nouveaux élus se livrent à
de fiévreux conciliabules pour choisir en leur sein les
membres du bureau, le corps électoral se rapproche d’un
buffet. Ce dernier, trop justement calibré sans doute, ne
laissera que des miettes à nos représentants venus
nous rejoindre. Ils ne manifestent aucune déconvenue, car
convaincus qu’en démocratie, on ne saurait cumuler
honneurs et avantages matériels.
La
journée s’achève autour d’une tablée
(comme les albums d’Astérix le Gaulois) dans un décor
Belle Epoque au Grand Café, place d’Allier à
Moulins, où semble se concentrer l’activité.
Le
lendemain, dimanche, départ en autobus pour un programme de
visites dense. Après un court trajet à travers les
paysages ruraux, vallonnés et paisibles du Bourbonnais,
première étape à Saint Pourçain sur
Sioule, avec accueil à la cave coopérative.
Excellent accueil au demeurant, où nous apprenons que le
breuvage éponyme fut un temps le vin favori de nos défunts
rois : il s’élabore sur un territoire qui a rétréci
considérablement ;la vigne pousse sur trois types de sols
et recourt à divers cépages dont le plus
caractéristique pour les blancs est le Tressalier ; ceux-ci
sont mélangés pour donner les vins (A.O.C depuis
2009) dont l’un bénéficie d’une
transhumance qui le conduit à profiter pendant plusieurs
années du bon air des montagnes dans un buron du Cantal. La
théorie c’est bien, mais la pratique c’est
encore mieux et nous voilà conviés à une
séance de dégustation au cours de laquelle plusieurs
vins en blanc, rosé, rouge et pétillant sont soumis
à notre expertise. Pour faciliter une désaccoutumance
du palais entre deux tests, une spécialité locale,
la pompe à gratons, nous est proposée. Bien élevés,
nous ne refusons rien. Et il n’y aura qu’un pas à
faire pour gagner les tables du déjeuner, organisé
sur place et confié à un traiteur (qui recevra des
compliments mérités), et humecté des
différentes productions de la cave (quand on vous disait
que le programme était chargé ! ).
Ces
agapes parvenues à leur terme, nous manifestons notre
reconnaissance en faisant emplette de quelques bouteilles au
magasin ; ce doit être uniquement l’effet du nombre
élevé de participants à cette AG, si les
soutes du bus seront vite remplies de cartons.
Histoire
de tempérer l’euphorie naturellement causée
par cet épisode convivial, nous reprenons la route pour
nous arrêter cette fois à Fleuriel pour la visite
d’une ferme aménagée pour abriter un historial
du paysan-soldat, la Grande Guerre ayant prélevé,
comme ailleurs, un très lourd tribut sur la population
masculine rurale du Bourbonnais. Des témoignages émouvants
sont exposés, des objets, des photographies. Un espace est
consacré à la promotion de l’activité
physique et du sport en France au XIXème siècle :
plus que de préoccupations hygiénistes, elle est
fille de la défaite de 1870, car, pour préparer la
revanche, il va falloir être en forme. Le deuxième
conflit n’est pas oublié. La ligne de démarcation
ne passait pas loin, l’Allier faisant frontière, et
Moulins étant du mauvais côté.
Pour
achever de nous miner le moral (mais non, on plaisante) nous
poursuivons notre route par le bocage bourbonnais jusqu’à
Noyant d’Allier, où domine le chevalement érigé
sur le carreau d’une mine de charbon désaffectée.
Sur place, une jeune, aimable et dynamique jeune fille nous fait
visiter les installations et toucher du doigt la pénibilité
extrême et la dangerosité du métier qui a
pourtant attiré en ce lieu les hommes des environs, et
jusqu’à des Polonais et Ukrainiens qui, sans doute,
ne fuyaient pas leurs si gentils voisins, mais simplement la
misère. Comme nous avons été sages et
attentifs, nous avons droit à un tour en petit train,
semblable à celui qui circulait sous terre : confort
rustique assuré.
«
Au nord, il y avait les corons » (au nord-est de Noyant
précisément) : alignés en batterie sur des
rues parallèles aux noms fleuris, ils bordent un parc où
s’élèvent une pagode nommée «
Phat Vuong Tu » et diverses statues debout et même une
couchée de « l’Eveillé », qui nous
contemple de ses yeux clos. Tout nous paraît kitschissime,
mais c’est une autre culture. L’explication de
cet
épais mystère réside dans le fait que les
corons devenus inutiles faute de mineurs ont accueilli des
rapatriés d’Indochine en 1955, suite à une
autre défaite (heureusement, personne n’a eu le
mauvais goût d’évoquer en prime Alésia,
alors que Gergovie n’est pas si loin). Ces gens-là,
Français mais souvent asiatiques par leurs origines, ont eu
le désir de pratiquer le culte bouddhique, concrétisé
par l’érection de la pagode en 1983. La sérénité
des lieux n’est troublée que par le trafic soutenu de
draisines (des vélorails électriques) sur la voie
ferrée voisine.
La
journée dominicale s’est conclue dans cette cité
riche en curiosités par un dîner au restaurant le
Sourire de Noyant : là, deux de nos pères fondateurs
ont démontré qu’ils n’avaient pas ignoré
les leçons d’héroïsme délivrées
lors du passage à l’historial en sauvant la tablée
de la menace venue du ciel en la personne (si on peut dire) d’un
frelon qui va s’avérer être … asiatique.
A l’issue de cette journée où le soleil était
de la partie, nous avons regagné Moulins.
Le
lendemain, l’astre du jour avait décidé que le
lundi de Pentecôte était un jour férié
pour lui aussi. Nous nous sommes partagés en deux groupes
pour la visite de Moulins, capitale des ducs de Bourbon, branche
cadette des Capétiens qui prendra la relève des
Valois jusqu’en 1830. Pendant la minorité de Charles
VIII, la régence est assurée conjointement par le
duc Pierre II et son épouse Anne de Beaujeu, fille de Louis
XI : Moulins deviendra dans les faits et pour un temps limité
la capitale du royaume. Pour en finir avec les « people »
il paraît que Jeanne d’Arc a fait étape dans
cette bonne ville ; et le poète Théodore de Banville
(1823-1891), trait d’union entre romantisme et parnasse,
dont les vers sont dans toutes les têtes, est un enfant du
pays. Nous apprendrons que Moulins doit son nom aux nombreux
moulins alimentés par des cours d’eau allant se jeter
dans l’Allier, et par la rivière même. Celle-ci
a constitué pour la cité qu’elle baigne de ses
flots limoneux une opportunité (voie de passage qui
favorise les échanges et donc la croissance), et une
calamité de par ses crues qui submergeaient régulièrement
les bas quartiers pour venir lécher le pied des murailles
du château ducal. On ne compte pas le nombre de ponts (en
bois ou en pierre) emportés par le courant ; même un
grand architecte comme Mansart s’y casse les dents (les
arches plutôt). Il faudra attendre un sieur de Régemortes
pour l’organisation de travaux (accompagnés de
l’édification de levées sur des kilomètres)
qui, se déroulant de 1750 à 1762, viennent à
bout du problème et durablement, puisque nous avons
emprunté l’ouvrage. Ce ne sont pas les eaux en furie
qui ont démoli le palais sus-évoqué (dont il
ne reste que le donjon appelé tour « Malcoiffée
»), mais les hommes qui y ont vu une réserve de
matériaux. Le Moulins médiéval offre diverses
curiosités dont un beffroi (Jaquemart) et des maisons à
pans de bois. Histoire de faire luire les ardoises des toits et
pavés des rues, il s’est mis à pleuvoir,
l’office de tourisme ne reculant devant rien pour mettre en
valeur le patrimoine. La visite s’achève, les groupes
se retrouvent devant une brasserie où les attend le dernier
repas, avant le départ pour regagner son chez-soi, heureux
d’avoir pu encore une fois se retrouver pour échanger,
découvrir une contrée discrète (qui gagne à
être connue) et une ville riche en histoire, ripailler
(raisonnablement) et rigoler ce qui, par ces temps de sinistrose,
est hautement recommandé.
«
Toi, vieux Gaulois et fils du bon Villon, Vide ton verre et baise
(*) ta maîtresse » (embrasse) Théodore de
Banville Ballade de la vraie sagesse.
Claude
ANDRIEUX
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